• Les monnaies complémentaires

    La monnaie est un intermédiaire destiné à faciliter les échanges… si l’on devait faire une analogie entre l’économie et le corps humain, la monnaie en serait son sang. Deux conditions sont nécessaires à sa bonne santé :

    -        que la masse monétaire  soit disponible en quantité suffisante.

    -        que celle-ci circule ; une thésaurisation outrancière de la monnaie aurait pour effet de gripper l’économie.

    Or, aujourd’hui, notre économie est malade… L’argent s’est fait rare !

    Est-ce parce que seuls 3% des flux monétaires sont consacrés à l’économie réelle ? Les 97% restants représentant des transactions financières, autrement dit de la spéculation…

    L’argent ne sert donc plus qu’à faire de l’argent ; il a été détourné de son objectif initial ; ainsi a-t-on oublié que la monnaie, en soi, n’a aucune valeur (et ceci est particulièrement vrai depuis le 15 août 1971, date à laquelle Nixon met fin à la convertibilité en or de la dernière devise qui lui était rattachée, le dollar) mais qu’elle n’est qu’une représentation de la valeur marchande d’un bien ou d’un service.

    Autre aspect important, celui de la création monétaire : beaucoup pensent que ce sont les états qui créent la monnaie…. celle, sonnante et trébuchante que l’on range dans nos porte-monnaie et que l’on appelle monnaie fiduciaire, représente 10 à 15% de la masse monétaire en circulation et est émise par les banques centrales, organismes indépendants des gouvernements.

    Les 85% restants, appelés monnaie scripturale car n’étant que des écritures comptables sur votre compte bancaire sont créés par les banques !

    Ce sont donc aujourd’hui les banques privées qui créent essentiellement la monnaie ; en voici le mécanisme : lorsqu’une entreprise ou un particulier ou n’importe quel autre acteur économique s’adresse à sa banque pour obtenir un prêt, cette dernière, par une simple écriture comptable sur le compte du demandeur, crée l’argent du prêt ; autrement dit, si j’ai besoin de 100 000€, la banque écrit 100 000€ sur mon compte ET PUIS C’EST TOUT ! Enfin presque, il existe quand même des règles qui régissent cette création monétaire mais le principe est celui exposé ici.

    La création monétaire est donc le fruit d’une dette. L’argent ainsi créé alimente la masse monétaire en circulation. Parallèlement, le remboursement de la dette donne lieu à la destruction de cet argent précédemment créé. Autrement dit, si tout le monde remboursait sa dette, il n’existerait plus que la monnaie fiduciaire en circulation, c'est-à-dire quasiment rien. On comprend donc, selon notre système en vigueur, que c’est la dette qui est le moteur de notre économie !

    Autre constat : la banque, lorsqu’elle accorde un prêt, demande une rémunération : ce sont les intérêts ; or, elle crée seulement l’argent nécessaire au prêt, mais pas celui qui permet de payer les intérêts : conclusion, il est mathématiquement impossible pour tous emprunteurs de rembourser leur dette car la masse monétaire en circulation n’est pas suffisante pour couvrir le montant du prêt plus celui des intérêts ; le système donne donc l’illusion qu’il fonctionne tant qu’il existe une demande d’endettement suffisante et que les banques sont disposées à l’honorer, mais lorsque, pour une raison ou pour une autre, ce processus s’arrête, le système tombe en faillite.

    Puisqu’il semble que les politiques soient incapables de résoudre la crise systémique (pis, ils en portent une grande partie de la responsabilité mais là n’est pas l’objet de ce billet) dans laquelle nous nous débattons tous aujourd’hui, quelle initiative citoyenne peut permettre de reprendre, au moins, en partie, le contrôle de cette situation qui semble échapper à tous ?

    Lors de la grande dépression des années 30, des villes ruinées et ravagées par le chômage mettent en place leur propre monnaie ; c’est ainsi qu’apparait le Wara à Schwanenkirchen, une petite ville minière de Bavière, cette monnaie permet de relancer l’économie du village. Cette expérience est suivie de celle, plus connue, de  Wörgl en Autriche… mais les autorités de l’époque mettent fin à ces dispositifs malgré leur succès.

    Cependant, en Suisse, à la même époque, apparait le WIR (voir mon article le WIR http://game-over.eklablog.com/le-wir-a2579969), une monnaie de paiement interentreprises, qui n’est lui, pas réprimé par les autorités suisses. Aujourd’hui organisé en banque, le WIR est utilisé par le quart des PME helvètes  soit 60 à 70 000 entreprises et représente un montant d’échanges de près de 2 milliards.

    Plus récemment, la crise argentine du début des années 2000, a, elle aussi vu la création d’un système de monnaie alternative mais victime de son succès, le marché a été inondé de fausse monnaie, ayant pour effet de mettre prématurément fin à l’expérience.

    Aujourd’hui, on dénombre environ 5 000 projets de monnaies alternatives dans le monde ; que ce soit des monnaies entre particuliers (systèmes d’échanges locaux ou SEL), des monnaies interentreprises (comme le WIR, encore appelées Barters) ou bien de monnaies complémentaires mettant en relation entreprises, particuliers voire pouvoirs publics, banques.

    Nous ne nous intéresserons, ici, qu’à la 3eme catégorie, les monnaies complémentaires.

    Ces monnaies commencent à fleurir discrètement sur le sol national : Toulouse, Brest, Villeneuve sur Lot, Quimper, etc… des projets sont aussi en cours à Nantes et Montreuil. Voici une carte de France des monnaies complémentaires : http://monnaie-locale-complementaire.net/france/

    Comme leur nom l’indique, ces monnaies, sont complémentaires à l’Euro et n’entrent pas en concurrence avec lui ; juridiquement, il ne s’agit d’ailleurs pas de monnaie mais de « titres de service » pour les coupons papier ou de services de paiement d’entreprise dans le cas de paiements électroniques. Il existe certaines obligations : chaque unité de monnaie complémentaire émise, l’est en contrepartie d’un Euro déposé dans une institution financière ; d’autre part, l’utilisation d’une monnaie complémentaire se fait dans le cadre d’une association et par ses membres uniquement donc tous les utilisateurs doivent être des adhérents de l’association.

    Quels sont donc les avantages des monnaies complémentaires, dont les contraintes pourraient en décourager certains ?

    Une monnaie complémentaire circule dans un circuit géographiquement limité : il s’agit d’un quartier, d’une ville, rarement d’une région. Ainsi, cette monnaie va dynamiser les échanges et resserrer les liens locaux.

    Comme nous l’avons vu au début de cet article, il est nécessaire qu’une monnaie circule pour qu’une économie soit saine : les monnaies complémentaires sont généralement des monnaies fondantes c'est-à-dire qu’elles perdent une partie de leur valeur au bout d’un certain temps (en général 2% tous les trimestres) ; ce principe incite les porteurs à faire circuler l’argent rapidement au lieu de l’épargner. On sait qu’une unité de monnaie complémentaire circule environ 3 à 4 fois plus qu’un Euro. C’est ce que nous apprend le Chiemgauer, implémenté en Bavière depuis 2003.

    Autre enseignement de cette monnaie, le chiffre d’affaires des entreprises l’utilisant augmente et permet la création d’emplois supplémentaires.

    Une monnaie complémentaire permet également de promouvoir certaines pratiques vertueuses (seront, par exemple, autorisées à l’utiliser les entreprises faisant du recyclage, vendant des produits locaux, mais pas les vendeurs de pesticides), solidaires etc…

    Puisqu’une monnaie complémentaire est adossée à son équivalent en Euro, cela signifie que l’on double la masse monétaire en circulation ; d’autre part, les Euros sont placés dans des établissements financiers comme la NEF qui privilégient les projets respectueux de l’environnement, solidaires etc… ainsi, cet argent est à l’abri des paradis fiscaux, de la spéculation et des entreprises peu vertueuses.

    Enfin, en cas de faillite bancaire ou de dévalorisation de la monnaie nationale, les monnaies complémentaires s’avèrent être un outil de résilience, au moins à court terme, contre les effets induits par ces situations.

    Face à un système financier peu enclin à considérer les dégâts économiques et sociaux dont il est responsable, les initiatives citoyennes commencent à émerger, preuve d’une prise de conscience et que s’il y a changement, c’est de vous et de moi qu’il viendra…

    … et moi et personnellement, j’ai bien l’intention d’y participer !

    Et vous ?

     

    http://www.dailymotion.com/video/xvarif_atelier-sur-la-monnaie-complementaire_news?start=236

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Chiemgauer

    http://www.youtube.com/watch?v=s2ROizkZgR0

     


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